La loi du 13 avril 2019 introduisant le Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales – qui entrera en vigueur en janvier 2020 (texte en annexe) – va avoir des répercussions importantes sur la fiscalité communale. Et pourrait même placer les pouvoirs locaux face à un vide juridique…
Selon les travaux parlementaires, ce Code vise à instaurer « une procédure uniforme en matière d’impôts sur les revenus et de TVA dans le cadre de laquelle l’établissement des impôts sur les revenus et de la TVA s’effectue par le biais d’une procédure harmonisée et de préférence au moyen d’un seul et même titre de taxation », à coordonner la législation fiscale et à la rassembler dans un Codex de la fiscalité fédérale et à mettre en place un « système performant de recouvrement de créances fiscales et non fiscales (y compris les créances alimentaires et amendes pénales) […] afin d’augmenter de manière significative le recouvrement ».
Cette loi a des répercussions importantes sur la fiscalité communale, dans la mesure où l'article L3321-12 du CDLD renvoie à toute une série de dispositions du CIR1992 et que la loi abroge ou modifie certaines de ces dispositions et non des moindres.
On peut citer notamment :
- l'article 298, dont le § 2 est abrogé, concerne principalement l'envoi obligatoire d'un rappel avant de procéder aux poursuites par voie de contrainte ;
- l'article 300, en ce qu'il détermine le caractère suspensif de l'exécution des délais d'opposition, d'appel et de cassation, ainsi que de l'opposition, l'appel et le pourvoi en cassation ;
- les articles 319bis et 327 qui définissent les pouvoirs d'investigation des fonctionnaires chargés du recouvrement ;
- l'article 393 (remplacé) qui étend le caractère exécutoire du rôle aux personnes qui n'y sont pas reprises dans la mesure où elles sont tenues au paiement de la dette fiscale sur la base du droit commun ou sur la base des dispositions du CIR1992 ;
- les articles 409 à 411 (abrogés) qui forment la base légale de la théorie de l'incontestablement dû ;
- les articles 413bis à 413octies (abrogés) qui concernent la surséance indéfinie au recouvrement ;
- l'article 414 relatif aux intérêts de retard, modifié en ce qui concerne la définition de l'incontestablement dû, suite à l'abrogation de l'article 410 ;
- l'article 417 (abrogé) qui permet dans certaines conditions l’exonération des intérêts de retard ;
- les articles 420 à 443 (abrogés) contenant notamment les dispositions relatives aux privilèges (de la caisse communale), à l'hypothèque légale, à la responsabilité des notaires et autres officiers publics liée aux notifications fiscales ;
- les articles 443bis et 443ter (abrogés) qui traitent de la prescription et des moyens de l'interrompre ou de la suspendre.
Cette loi du 13 avril 2019 entre en vigueur le 1er janvier 2020, sans préjudice d'une entrée en vigueur antérieure fixée par le Roi pour chaque catégorie de créance.
Autrement dit, les pouvoirs locaux risquent fortement de se retrouver face à un vide juridique portant sur des aspects essentiels de leur fiscalité puisque le CDLD ne fait référence qu'au CIR1992 et nullement au Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales.
Il existe plusieurs solutions :
- le CDLD peut être modifié afin de renvoyer à la fois vers le CIR1992 et vers le Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales. Cette solution est assez facile et rapide à mettre en œuvre, mais elle souffre du même défaut que la disposition actuelle. En rendant certaines dispositions d'un texte fédéral applicable aux taxes locales « pour autant qu'elles ne concernent pas spécialement les impôts sur les revenus », le CDLD introduit une insécurité juridique sur l'application ou non de certaines d'entre-elles.
- Autre solution, le CDLD pourrait faire référence aux dispositions applicables aux taxes régionales, à savoir le décret du 6 mai 1999 relatif à l'établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales wallonnes. Cela risque toutefois de présenter le même défaut que celui évoqué ci-dessus.
- Ce défaut pourrait être corrigé en développant au niveau régional un Code de la fiscalité locale, c'est-à-dire en rédigeant un texte applicable uniquement à ces impôts locaux et reprenant toutes les dispositions utiles relatives à l'établissement et au recouvrement amiable et forcé de ces impôts. Il s'agit évidemment d'un travail de longue haleine, sous peine de risquer la promulgation d'un texte bâclé, source de nouvelles difficultés. Cela constitue la solution idéale à moyen terme.
En soi, la loi du 13 avril 2019 a relativement peu d'effet sur la rédaction des règlements de taxes, même si la répercussion sur le recouvrement de celles-ci est particulièrement préoccupante.
Il conviendra néanmoins de suivre attentivement la réaction du législateur régional afin d'intégrer les dispositions légales correctes dans la motivation des règlements.