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Irrégularité substantielle : quel impact du vocabulaire employé sur la motivation formelle ?

L’adjudicateur, au moment d’établir les documents du marché public, doit faire preuve de rigueur, que ce soit dans la définition des critères d’attribution, dans le choix des conditions de capacité ou encore dans la détermination du niveau d’exigence attendu.  

Si l’adjudicateur souhaite imposer un seuil minimal d’exigence, son intention doit être clairement exprimée car elle conditionne l’analyse des offres quant à leur régularité. Toute approximation peut vite se transformer en problème car le diable se cache dans le détail. 

Parallèlement, un adjudicateur doit garder à l’esprit que s’il ne cadenasse pas la définition d’une irrégularité impliquant selon lui la nullité de l’offre, il s’impose un travail conséquent de motivation formelle à intégrer dans la décision d’attribution. 

Dans le cadre d’un marché public portant sur la fourniture de fruits et légumes, un soumissionnaire évincé conteste son éviction pour cause d’irrégularité substantielle. L’adjudicateur a en effet écarté l’offre au motif qu’elle ne respectait pas la saisonnalité de certains légumes. 

Le Conseil d’État, dans un arrêt n°257.918 du 16 novembre 2023, constate en effet que les documents du marché contiennent une série non-négligeable d’informations et de prescriptions relative au programme européen « Fruits et légumes à l’école » dans la perspective d’une alimentation durable. Tant la réglementation communautaire que régionale sont rappelées à divers endroits du cahier spécial des charges, laissant clairement apparaître l’importance de cette exigence aux yeux de l’adjudicateur. 

Toutefois, le juge administratif considère que :

Le cahier des charges n’indique, à aucun endroit, que la condition de la saisonnalité des produits constitue une exigence substantielle du marché litigieux (...) le cahier des charges se limite à indiquer que le calendrier de livraison « tient compte de la saisonnalité des fruits et légumes à livrer aux écoles ». Aucune peine de nullité n’est prévue. L’adjudicateur n’a pas qualifié de « substantielle » une telle irrégularité. 
Dès lors, à défaut de l’avoir réalisé en amont, dans les documents du marché, il revenait à ce dernier, en aval, de motiver correctement sa décision, en justifiant que cette prescription relative à la saisonnalité revêtait un caractère « substantiel ». En conclusion, le Conseil d’État donne droit au soumissionnaire évincé. 

Au passage, le lecteur attentif remarquera que le Conseil d’État utilise les termes exigence substantielle et non les termes exigence essentielle. Cela ne modifie en rien le raisonnement tenu, mais cela ne correspond pas au vocabulaire généralement employé, à savoir « exigence essentielle » et « irrégularité substantielle ». 

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