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Une application de la nullité de l’avertissement-extrait de rôle est-elle nécessaire ?

Grâce à l'analyse du jugement rendu par le Tribunal de première instance de Liège, le 07 février 2022, notre auteur, Aurélien Bortolotti, nous décrypte avec précisions tout ce qu'il y a à comprendre sur l'application de la nullité de l'avertissement.  

Sommaire 

Faits

Une commune avait établi une taxe sur les immeubles inoccupés. La taxe est fonction du nombre de mètres courants de façade et d’étages.

Sur la base de ce règlement, le contribuable avait reçu un avertissement-extrait de rôle reprenant 18m, soit exactement 11m pour le 1er niveau et 6,80m pour le second niveau, arrondi à l’unité supérieure.

Le redevable contestait la taxe estimant que l’avertissement-extrait de rôle était nul car le montant de la taxe n’était pas correct.

Le contribuable avait fait appel à un architecte qui avait indiqué que la longueur de la façade était de 10,83m et que le second niveau était habité.

Le contribuable introduit le recours administratif. L’autorité ne répond jamais et il saisit le tribunal.

 

Rappel des principes

L'article L3321-4 § 3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation dispose :

Les rôles mentionnent :

1° le nom de la commune ou de la province qui a établi la taxe ;

2° les nom, prénoms ou dénomination sociale et l’adresse du redevable ;

3° la date du règlement en vertu duquel la taxe est due ;

4° la dénomination, l'assiette, le taux, le calcul et le montant de la taxe, ainsi que l'exercice auquel elle se rapporte ;

5° le numéro d'article ;

6° la date du visa exécutoire ;

7° la date d’envoi ;

8° la date ultime du paiement ;

9° le délai dans lequel le redevable peut introduire une réclamation, la dénomination et l'adresse de l'instance compétente pour la recevoir.

C'est l'enrôlement rendu exécutoire au nom du redevable et non l'envoi de l'avertissement- extrait de rôle à ce dernier qui établit la taxe ; le titre légal pour la perception de l'impôt est le rôle déclaré exécutoire, et non l'avertissement extrait de rôle.

Des erreurs commises par l'administration dans l'avertissement-extrait de rôle ne rendent celui- ci nul que si elles ont porté préjudice au redevable.

Toutefois, une erreur de dénomination sur le rôle lui-même affecte la validité du titre exécutoire qui n'est dès lors plus conforme au décret.

Par contre, le rôle étant un acte authentique, ses mentions font foi jusqu'à inscription de faux. Elles ne peuvent dès lors être contestées par voie de réclamation

 

Décisions des juridicions d’instance et d’appel

Le tribunal de première instance de Liège, division Liège, va répondre le 7 février 2022 aux arguments évoqués que :

En ce qui concerne la nullité de l’avertissement-extrait de rôle :

Le requérant invoque une erreur de mesurage qui ne lui aurait pas permis de vérifier l'exactitude de la taxe.
Toutefois, manifestement, il a pu constater l'éventuelle erreur de mesurage, introduire sa réclamation devant le Collège communal ainsi que le présent litige dans les délais légaux.
L'avertissement extrait de rôle n'a pas non plus empêché le requérant de contester la validité du règlement-taxe.
Ce grief n'est pas fondé.
En ce qui concerne l’erreur de mesurage :
Il ressort des constats que l'immeuble, rue Defrance 31/001, a été mesuré de la manière suivante :
2 + 1 niveaux
11,00 m + 6,80 m (cf. dossier de la Ville pc. 6).
Le requérant dépose une photo d'une partie de la façade ainsi qu'une photo présentant un morceau de mur et un instrument de mesure présentant la mention "11m".
Ces éléments ne permettent toutefois pas d'établir qu'une erreur de mesurage aurait été commise par l'agent constatateur.
En toute hypothèse, cette erreur ne pourrait entraîner l'annulation de la taxe mais uniquement un dégrèvement partiel.
Par contre, selon les articles 14 et 15 du règlement, la base imposable est établie par le produit exprimé en mètre de la longueur en mètre ou fraction de mètre courant de façade du bâtiment par le nombre de niveaux inoccupés ...
Or, la façade a été mesurée à 11,00 mètres + 6,80 mètres, soit 17,80 mètres.
La taxe a été calculée sur base de 18 mètres de façade, ce qui n'est pas correct même si la différence est minime, puisque le règlement ne prévoit pas de règle d'arrondi.  

 

La cour d’appel va être saisi du litige, laquelle va confirmer en partie la décision du premier juge, le 18 décembre 2023.

Ainsi, L'appelant considère que l'avertissement-extrait de rôle est nul en raison d'une mention inexacte de la longueur de la façade de l'immeuble en cause.

L'avertissement-extrait de rôle précise que c'est un seul niveau qui est taxé et reprend une longueur de façade de 18 mètres.

La Ville de Liège admet qu'il y a une erreur dès lors que la longueur de la façade du niveau 1 taxé à prendre en considération est, selon elle, non pas de 18 mètres mais de 11 mètres, l'appelant soutenant qu'elle mesure en réalité 10,83 mètres et que c'est cette mesure précise qui doit être prise en considération.

Aucun texte légal ne prévoit la nullité de l'avertissement-extrait de rôle en raison d'une telle erreur.

Cette erreur n'a, du reste, en aucun cas nuit aux droits de la défense de l'appelant qui a pu et fait valoir encore devant la Cour l'erreur de mesurage.

Cette erreur dans la mesure de l'assiette de la taxe n'affecte en rien la validité de l'avertissement-extrait de rôle mais est susceptible d'entraîner le dégrèvement partiel de la taxe enrôlée, dans le cadre de l'exercice des recours, administratif et judiciaire, et de l'examen du fondement de la demande relative à la cotisation litigieuse…

L'appelant produit un rapport d'architecte qui indique que la longueur de la façade est de 10,83 mètres, mesure qui n'est pas discutée par la Ville de Liège.

Celle-ci soutient, cependant, qu'il y a lieu de tenir compte de 11 mètres, ce qui correspond à l'arrondi supérieur.

Selon l'article 14, § 1er, du règlement-taxe, « La base imposable est établie par le produit, exprimé en mètre, de la longueur en mètre courant ou fraction de mètre courant de façade du bâtiment par le nombre de niveaux inoccupés autres que les caves, sous-sols et greniers non aménagés que comporte le bâtiment ».

Par ailleurs, selon l'article 15, § 1er, du règlement-taxe, « Le taux de la taxe est fixé à 183 euros par mètre calculé conforment au prescrit de l'article 14 et par an ».

Ces dispositions ne prévoient pas d'arrondis de sorte que c'est la longueur exprimée en mètre courant ou fraction de mètre courant de façade multipliée par le nombre de niveaux inoccupés qui doit être prise en compte, soit, en l'espèce, 10,83 mètres x 1 = 10,83, montant qui doit être multiplié par le montant de la taxe de 30 euros par mètre, la taxe due étant, par conséquent, de 10,83 x 30 euros = 324,90 euros.

Il s'ensuit que la taxe litigieuse de 540 euros doit être partiellement dégrevée.

 

Finalement, les juridictions renvoient les deux protagonistes dos-à-dos. Pas de nullité de l’avertissement-extrait de rôle, mais un dégrèvement de la moitié de l’impôt.
L’autorité communale veillera donc à être précise dans les termes utilisés lors de l’élaboration du règlement-taxe.

 

Score final : match nul

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