L'adjudicateur d'un marché public peut-il pencher pour une offre en raison de sa qualité formelle ? C'est dire que le fond est étroitement lié à la forme.
L’objectif de la procédure d’un marché public consiste à choisir l’offre régulière économiquement la plus avantageuse du point de vue de l’adjudicateur.
Le travail d’analyse, pour atteindre ce but, ne peut que passer par la lecture attentive des offres. Ces dernières, composées de différents documents, doivent permettre à l’adjudicateur d’avoir une image précise de l’engagement des soumissionnaires, dès lors qu’elles exposent un prix, une méthode, un planning, etc.
L’adjudicateur peut-il avoir égard à la forme d’une offre dans le cadre de son analyse ? Son appréciation peut-elle être impactée, positivement ou négativement, par les qualités purement formelles du dossier de soumission ?
La réponse à cette question doit être nuancée.
Dans le cadre d’un marché public de travaux portant sur la restauration d’une collégiale, l’adjudicateur décide d’évaluer les offres sur base de quatre critères : le montant total de l’offre, le savoir-faire démontré dans la réalisation d’une pièce d’épreuve, une note méthodologique sur l’organisation du chantier et une note méthodologique sur la stabilité.
Si le premier critère d’attribution n’appelle pas, de la part des soumissionnaires, un travail de présentation particulier, les trois autres critères, quant à eux, nécessitent un exposé spécifique, propre à chaque soumissionnaire.
Un soumissionnaire évincé estime que l’adjudicateur a commis une erreur en prévoyant dans le cahier spécial des charges que ces critères sont analysés au regard de la « présentation », de la « lisibilité » ou encore de la « complétude » des notes présentées par les soumissionnaires. Elle estime qu’il s’agit d’éléments d’évaluation extrinsèques aux offres, ne permettant à l’adjudicateur que d’évaluer la forme et non le contenu des offres.
Le Conseil d’Etat, dans son arrêt n°256.088 du 21 mars 2023, estime que ces éléments d’appréciation n’ont pas pour objectif ou effet de juger la forme de l’offre. Par contre, l’analyse du contenu de l’offre passe par la forme de l’offre :
« (...) les éléments précités n’entendent pas valoriser des qualités formelles qui n’ont aucun autre intérêt que la forme
elle-même, avec pour seul objectif d’inciter les soumissionnaires à soigner la présentation de leur offre. Ces éléments emportent des exigences de contenu qui permettent au jury d’évaluer la qualité des prestations qui font l’objet du marché. Ainsi, une note ou une présentation lisible, un document complet ou une description précise reflètent une méthodologie structurée, mature et aboutie pour réaliser la pièce d’épreuve et pour garantir la stabilité du bâti. La qualité du reportage photographique et celle des schémas et illustrations permettent également d’apprécier la qualité des offres quant aux deux prestations précitées (savoir-faire dans l’élaboration de la pièce d’épreuve et méthodologie envisagée pour assurer la stabilité lors du démontage de la maçonnerie et les étançonnements) ».
En conclusion, on retiendra que, si l’évaluation de la forme d’une offre ne peut être la finalité des critères d’attribution, il faut admettre que pour certains d’entre eux, le fond et la forme de l’offre sont étroitement liés, en ce sens que l’analyse de la forme constitue un moyen d’évaluer le contenu.